Nuits de paresse: 09/02/06

9.02.2006

4 décembre 2005

L’enfermement.

Comment tout ça tient ensemble ? J’ai toujours du mal à ne pas me poser cette question. Pourquoi des personnes si différentes acceptent-elles de rester enfermées dans des lieux clos ? Par quel miracle des individus qui n’ont en commun qu’un genre de contrat peuvent-elles supporter de s’enfermer ensemble pendant parfois plusieurs années ? Et continuer à vivre comme si tout ça était normal ?

La question dépasse le simple cadre de l’entreprise, dont cette série est le centre. Les événements récents dans nos banlieues, par exemple, peuvent être abordés par ce biais du vouloir-pouvoir-devoir vivre ensemble. Goffman dans Asiles posait cette question aux institutions psychiatriques, mais également à toute institution qui enferme des personnes ensemble malades/enfants/religieux et leurs surveillants. Tous sont soumis aux mêmes règles même si des statuts, des fonctions existent, l’enfermement soumet tout le monde aux mêmes rythmes de vie. En banlieues (un peu d’étymologie !) cet enfermement est spatial, social, politique, culturel et en dernière instance économique. Il l’est dans le sens où nous parlons d’économie de l’enfermement, d’organisation générale du lieu-clos-ayant-ses-propres-règles, comme une prison, un asile, un parti politique ou une entreprise. Quand il y a reconnaissance des limites par les personnes enfermées commence l’intégration finale des valeurs de l’enfermement. « On » parle alors de culture des banlieues, d’entreprise, du parti...Quelle est la différence entre un stalinien français des années cinquante, un rappeur de Trappes des années quatre vingt dix, un ouvrier de Renault ou de Michelin ou encore une étudiante en droit vivant chez papa-maman dans le seizième arrondissement des années soixante dix (Étude de l’IS) ? Les « valeurs centrales de cohésion » ne sont peut-être pas les mêmes mais le degré d’enfermement est équivalent.

Il me semble que cette question de l’enfermement devient la question centrale d’une société qui devient inégalitaire (Emmanuel Todd). A partir du moment où une limite est définie, qu’elle soit imaginaire et/ou réelle, des règles s’établissent, des valeurs se créent et l’enfermement commence. L’effort pour sortir devient personnel ou le fait de groupes de pairs, nous devons faire notre « great treck », notre sortie d’Egypte en créant des brèches dans ce qui nous apparaît comme uniforme.

Revenons à notre entreprise. Je vis au quotidien la création d’une culture d’entreprise, la mise en forme de limites dans les fonctions, de spatialisation des tâches, de rapports client/prestataire en interne, et toute cette misère a des effets réels sur les interactions entre personnes, nous ne nous traitons plus en bons camarades qui font un peu semblant, - mais pas toujours heureusement, - de s’accepter, nous devenons des échelons dans l’organigramme, nous devenons nos tâches.

Comme dirait Palahniuk je suis la fonction client déçue de Ian.

16 novembre 2005

Obstruction et déni

Le grand escogriffe a annoné son discours devant une vingtaine de millions de français. Un étonnant discours de synthèse.

Analyser les « événements » des banlieues a été pendant quelques jours décrété sport national. Deux équipes s’affrontaient. La première soutenait que tout ceci était une question de valeurs, quand la seconde répétait inlassablement qu’il n’en était rien, tout ceci était social. Quelques francs-tireurs tentaient des synthèses, quelques tireurs d’élite le contre-pied. Une nouvelle fois, Emmanuel Todd semblait être le plus perspicace. Dans un long entretien accordé au Monde, il revenait sur les ressorts cachés de cette crise dont les événements actuels marquent le troisième temps. Avril 2002, Mai 2005, Novembre 2005 : défiance vis-à-vis des élites, « révolte » de la petite bourgeoisie d’Etat, demande de reconnaissance. Pour faire simple. Le grand intérêt de tout ceci était de rappeler, pour les cancres du fond, que le politique, c’est la réification des rapports sociaux, que régulièrement ce qui est caché ressurgit avec plus ou moins de violence, tout dépend de la force de l’obstruction.

Pourtant, ce semble être le déni de reconnaissance de l’existence d’individus dans les banlieues pauvres des grandes agglomérations françaises (et européennes) la cause immédiate du déclenchement de cette crise. Anonymat des premières victimes, anonymat de la foule des casseurs, anonymat des victimes des violences, anonymat des responsables... ça fait penser furieusement à La foule des zéros de Grosz. Ce processus de désindividualisation contredit définitivement la théorie (de droite) de la crise des valeurs. Ne pas reconnaître des valeurs partagées par des personnes qui vivent dans des lieux clos, ce que sont les banlieues, c’est reprendre la vieille formule raciste des « arabes analphabètes » des colonies : ils ne parlent pas français, ils sont analphabètes.

Les « valeurs » partagées, comme le remarquait Todd, sont les mêmes, en fin de compte, dedans et dehors. C’est la reconnaissance de ce fait qui empêche de comprendre le fond de la crise que traverse la société française depuis la fin du millénaire. La nouvelle délimitation des domaines de l’Etat semblait faire plus ou moins l’unanimité, mais seule ce que Todd appelle l’élite (20% de la population française au capital culturel, social et économique élevé) soutenait ce processus « nécessaire à notre temps. » Quand le « peuple » (quintiles inférieurs) prend la parole, il n’a plus besoins d’oracles pour être compris. Les actions sont directes. Nos oracles, mais après tout ils n’ont toujours fait que cela depuis les temps immémoriaux, interprètent pour le compte de leurs maîtres le charabia de l’étrange divinité enfermée dans le temple.

Étonnant discours de synthèse disais-je. Et si nos dirigeants vivaient eux-mêmes le fantasme de leurs fonctions ? Et si eux-mêmes finissaient par croire que tout ceci était bien réel ? Qui sont tous ces gens que l’on appelle français après tout ? Tout ce que nous vivons est enfermé dans notre langage. Jack London avait écrit un roman fabuleux (fable) Star Rogue, celui d’un homme qui revivait ses vies antérieures quand son corps était comprimait par une camisole. N’en sommes nous pas là après tout, tellement comprimés que nous sommes obligés de fantasmer nos vies.

Et un jour... 400 ans, ça paraît long tout à coup.

3 octobre 2005

D’où parles-tu camarade ?

Dans une entreprise coexistent plusieurs hiérarchies. Elles se croisent, s’affrontent, se complètent mais toutes se plient à ce que l’on nomme l’organigramme. Il désigne la chaîne des responsabilités et des décisions légitimes. C’est une organisation descendante, pyramidale qui nécessite l’assentiment de certains. Un organigramme qui est refusé par une majorité des cadres de l’entreprise serait voué à l’échec. C’est donc une organisation consensuelle qui définit par extension les postes pourvus et, à terme, accessibles aux strates inférieures. Le haut de l’organigramme désigne la direction et les parties restantes le management. La première partie dépend à volonté des propriétaires de l’entreprise (collège familial ou d’actionnaires) et le reste est relativement autonome. La partie managériale est d’ailleurs un bon indicateur de la richesse humaine de l’entreprise car on y retrouve des salariés en progression.

Dans les petites structures, les deux parties de l’organigramme sont plus fortement imbriquées du fait du nombre restreint des acteurs. La direction peut plus facilement s’intéresser à ce que l’on appelle le Low Management, les managers les plus proches des salariés. Dans les grandes structures, la direction a un droit de regard sur le Top Management, et laisse la désignation des autres strates à ce dernier.

Cet ordonnancement général légitime a minima les ordres reçus et donnés. Une entreprise s’organise par le découpage et la délimitation des tâches et des responsabilités, l’organigramme n’est à première vue que l’expression purement hiérarchique de cette organisation. Mais à côté de ce découpage institutionnel existent d’autres hiérarchies. Tout un chacun a sa propre hiérarchie de valeurs et parfois certaines valeurs personnelles vont à l’encontre de certains agencements organisationnels. On peut trouver aberrant que telle personne soit déconsidérée car elle a tel statut dans l’entreprise ou permettre à telle autre d’avoir un tant soit peu de pouvoir. Chacun a sa manière de voir les choses en quelque sorte. Nous avons tous notre façon d’organiser notre travail, et notre vie avec le travail. L’organisation générale proposée par l’entreprise peut être, dans ces deux cas, sujette à caution.

Dans les temps de conflits, l’organigramme est retourné, comme à Carnaval, pour quelques temps. Les rapports dans l’entreprise se laïcisent, les fonctions s’effacent pour redonner leur place aux individus. On peut mesurer dans ces moments le degré d’aliénation de chacun. Comme on disait avant, d’où parles-tu camarade ?

25 septembre 2005

Administratif

J’appelais administratif le temps passé à effectuer certains parcours. Ce temps répétitif scandait mon quotidien. Je retrouvais les mêmes endroits suivant le même ordre. Parfois je modifiais légèrement mon parcours, histoire de changer pour changer. Mais sur ces parcours administratifs je pouvais découvrir des petits riens auxquels, avec le temps, j’accordais de plus en plus d’importance. Aujourd’hui encore, ces petits riens peuvent entièrement transformer ma journée. Découvrir un recoin est un plaisir incommensurable. Dans la répétition, une petite modification peut justifier tout ce qui a été fait auparavant. Une année après avoir intégré mon emploi actuel, j’ai découvert un escalier, gigantesque pourtant, à un cil de mon parcours. Tous les jours je le regarde comme si c’était la première fois. Et les travaux qui m’obligent actuellement à des petits détours n’y changent rien.

J’ai pu observer que ces petites choses si importantes pour moi sont fuies par d’autres. Changez la chaise d’un collègue et il entre dans une rage folle, déplacez un bureau et vous suscitez un dépressif. J’ai vu ces choses-là arriver. Ces parcours administratifs semblent nécessaires à l’équilibre de chacun, ils bordent notre vie, lui offrant un territoire dans lequel nous pouvons nous épanouir.

Par ces parcours administratifs, nous cartographons nos surfaces intérieures à l’échelle de la vie sociale. Nous y puisons ce qui va constituer notre règle, le sens à donner aux chemins de notre territoire. Notre géographie intérieure se constitue par le traversement de lieux clos ayant chacun son fonctionnement avec ses règles. Nous les affrontons jusqu’à constituer une jurisprudence assez vaste qui englobera tous les aspects de notre vie. Les parcours administratifs nous offrent la chance, ensuite, de mettre en forme notre propre thésaurus, de faire en quelque sorte le tour de notre propriété.

J’ai appris sans rien faire à utiliser ces moments perdus.

15 septembre 2005

« La terre des morts »

Georges Romero pour le premier « Crépuscule des morts » s’était largement inspiré de deux grands mouvements : l’expressionnisme et le gothique. Il s’attardait longuement sur les visages déformés des zombies, leurs démarches saccadées et leurs chairs en décomposition. Murnau a dû apprécier l’hommage. La panique des civils surpris par cette invasion fantastique était la première marque de leur future transformation. L’arrière plan quand il n’était pas surchargé par les arbres et les stèles des cimetières se limitait aux planches de bois des vieilles maisons où se cloîtraient les premiers survivants. Machen ou Lovecraft n’étaient pas loin.

Il a écrit et réalisé peu après une suite qui se réfère directement aux émeutes de Los Angeles. Récemment, le même réalisateur a repris ce récit pour l’insérer dans les temps nouveaux qui s’ouvrent. Ces zombies sont devenus la règle et les hommes l’exception. Ces derniers pour survivre doivent piller les magasins des anciens temps car ils sont privés de tout outil de production. L’élite corrompue qui veut oublier l’horreur qui rôde sur le seuil (Lovecraft encore) et qui ne pense qu’à son plaisir immédiat est servie par une multitude soumise et sans avenir. Les références à la situation actuelle des États-Unis sont nombreuses et souvent très fines. Elles le sont tellement que j’ai parfois l’impression que Romero avait imaginé ce que nous voyons actuellement à la Nouvelle-Orléans.

Un de mes chouchous, Emmanuel Todd, quand il intervient à propos de l’Amérique moderne insiste sur un point fondamental : la prédation. Les administrations Bush ont repris ce trait du capitalisme libéral, que l’on nomme pudiquement développement externe, et en ont fait le premier moteur de leurs politiques intérieure et extérieure. L’apparition de cet outil politique dans l’Histoire n’est pas récente, mais pour son application à une si large échelle, il faut remonter aux grands Empires. L’Empire libéral américain exporte/importe son mode opératoire jusqu’à l’anarchie. Ce qui se passe à la Nouvelle-Orléans se passe tous les jours en Irak, ce que Romero a imaginé est en ce moment ce qui se voit aux Etats-Unis.

Il semble que nous soyons arrivés quelque part au bout d’un processus Historique. Pour subsister, le capitalisme a besoin de fronts pionniers, de vastes espaces qui permettent d’empêcher qu’il ne ronge ses propres bases. Le tissu industriel américain encore puissant aujourd’hui se délite à une vitesse hallucinante et il n’est sauvé que temporairement par le développement rapide de la Chine. Les capitaux prédateurs trouvent dans ce pays un exutoire qu’ils ne trouvaient plus dans le commerce électronique.

J’ai toujours pensé que c’est dans les marges que s’inscrit l’histoire. Cette puissance historique qui nous submerge est incarnée dans « La terre des morts ».

4 septembre 2005

Monsieur Sarko avait promis, Monsieur Sarko avait promis...

Sur l’air de la Carmagnole, on pourra bientôt chanter la litanie des mensonges de Monsieur Sarkozy. Comme des chiens de berger à flanc de montagne, certains journaux reviennent sur les diverses annonces du ministre multicartes, et commencent à en faire le compte. Une fois en troupeau, elles sont impressionnantes. Sous les divers gouvernements de notre Tataglia de président, le petit roquet a beaucoup jappé : le temps de travail, la nouvelle politique de l’immigration et ses expulsions connexes, les divers impôts, les aides à la création d’entreprise, la sécurité des rues, l’organisation de la police du territoire, la Corse... Sur tous ces sujets, le Petit Hongrois, comme aime à lui rappeler la presse fasciste, a fait chou-blanc. Il n’a rien résolu, bien pire il a, à chaque fois, rendu tous ces sujets explosifs.

Car le bonhomme n’est pas l’homme d’action qu’il se fait toujours un plaisir de présenter, il ne sait pas prendre de décisions, il laisse l’administration les prendre pour lui et ses successeurs doivent en subir les conséquences. Un service du Ministère de l’Intérieur planifie depuis quelques temps la fermeture de Sangatte en se basant sur les comptes-rendus des RG et des flics de base sur place, et Sarko paraphe, sans se soucier des conséquences. Les flics pendant plusieurs années ne peuvent plus faire leur Biz dans certaines cités : Sarko y va, inspiré par les rapports partiaux accumulés par un quelconque service de Beauvau, avec journalistes embarqués, et fait donner du bâton. Trop d’impôts sur les hauts revenus nuit à la compétitivité des entrepreneurs français : eh bien, cette aberration inventée par un groupe de « penseurs » libéraux anglais de la fin des années soixante dix, et qui excite encore certains groupes de pressions bien implantés à Bercy, inspire à monsieur Monsieur l’idée de leur abaissement.

Je sais bien que ce triste personnage est devenu le prototype de l’homme d’action, de l’homme qui a le courage de ses convictions, comme le présentent Le Figaro, Les Échos, TF1 et, hélas, l’(ex-)ORTF, mais tout de même, pourquoi en faire autant ? N’y a-t-il pas là-dessous quelque machination du très puissant Parrain de la droite française pour donner à croire que l’homme est enragé et, comme le chien du proverbe, faire qu’il soit abattu. Ou simplement que, comme le papillon contre la lampe, il s’excite jusqu’à épuisement ou consomption. Dans tous les cas, nous avons là un drôle de personnage qui mériterait plus qu’une hagiographie médiatique, une monographie psychiatrique.

Enfin, j’en viens dans ces moment à me dire que cet homme ne sera jamais président, mais restons en alerte, est-il sûr que le pire n’est jamais sûr ?

22 aout 2005

Le Jospinisme.

La « gauche plurielle » a marqué la vie politique française de ces dix dernières années. Après la disparition de Mitterrand, une nouvelle façon de considérer la place du parti socialiste, à gauche, est apparue. Il y avait déjà eu quelques tentatives de recomposition, mais elles avaient été bloquées par le Commandeur. Le gouvernement Jospin a su trouver un équilibre entre les grands courants de la gauche française en acceptant de reconnaître le poids de structures politiques jusqu’alors considérées comme secondaires. Cette organisation constitutive des démocraties pluralistes était, ne l’oublions pas, une relative nouveauté sous nos latitudes. Il fallait remonter à la Quatrième pour trouver quelque chose d’approchant, mais à cette époque, tout tournait autour d’un parti aujourd’hui moribond, le parti Radical, survivance de la Troisième.

Ce Jospinisme reste encore vivace mais au niveau local dans les grandes villes tenues par la gauche : Paris et Lyon. A Paris, le « gouvernement » Delanoë est l’exacte réplique du gouvernement Jospin, les mêmes équilibres y sont en jeu. Il ne faut pas oublier que Jospin et Delanoë étaient membres du club du 18ème avec, entre autres, Vaillant. Les forces qui déchirent actuellement le parti socialiste vont à terme le recomposer durablement. Entre sociaux libéraux, radicaux socialistes, gauche nationale, gauche populiste... tous les courants ont la possibilité de s’imposer dans le paysage politique français.

Le gros du parti socialiste ne devrait plus être cette étrange coalition de courants hétéroclites, mais le noyau de tous les futurs gouvernements de gauche aussi bien au niveau local, qu’au niveau national. Les débats sur l’Europe, les services publics, la politique économique, les réformes des grandes institutions sociales ont petit à petit dessoudé ce Golem rouillé ; les forces qui vont s’en échapper auront ensemble le poids nécessaire pour que la gauche revienne durablement aux affaires. Mais les coups bas, les attaques mesquines, les grandes envolées ridicules des petits caporaux du parti risquent de retarder ce retour en grâce. Il ne faudrait pas que ces braves gens se retrouvent ensemble le cul dans la bassine laissant les français choisir entre deux vermines comme ils le firent il n’y a pas si longtemps. Le Jospinisme n’est pas une doxa mais une praxis, qu’on se le dise.

17 aout 2005

Le tout, c’est d’y croire.

Rien ne vaut un bon film de genre, et ce quelque soit son genre. Même avec peu de moyens, des acteurs limites, une réalisation à la vas-y comme je te pousse et un scénario écrit avec les pieds, les films de gladiateurs, gores, de pirates ou de science-fiction ont des codes si bien connus que le spectateur averti adhère, obligatoirement. Et puis il y a les maîtres du genre, ceux qui inventent et que les suivants reprennent, quasi religieusement. Romero a récemment retrouvé les chemins des studios pour tourner une suite du Jour des morts-vivants ; pendant une vingtaine d’années, une foultitude de réalisateurs a repris et usé consciencieusement les hauts faits de ce génie du genre, ils auront grâce à ce dernier opus de quoi se renouveler un peu.

Mais le film de genre ce ne sont pas que des codes, c’est un univers auquel il faut adhérer. Acteurs, réalisateurs, producteurs et spectateurs doivent ensemble croire dans ce qui se passe malgré tous les défauts des décors, du jeu ou des dialogues, il faut y croire, comme si ce que l’on avait sous les yeux était la réalité. C’est la condition sine qua non de l’existence du genre. Une frange des spectateurs les moins éclairés se fait parfois prendre par de faux prophètes qui veulent nous faire croire qu’ils ont inventé quelque chose. Cette engeance introduit dans ces films la pire des calamités : la distance.

Un film de grand-guignol doit se regarder au premier degré, il faut être dégoûté, un film de gladiateur ou d’épées se doit d’être viril, un film de samouraï doit exalter le bushido, etc... il faut que chaque fois l’intention soit simple et accessible. Il est possible de parsemer ces films de moments ironiques, comiques, moqueurs, décalés, mais l’intention ne doit pas en être altérée. Il est difficile pour les impétrants de comprendre comment un être qui a un minimum de jugeote peut apprécier ces films Z, c’est pourtant simple : c’est parce qu’ils sont sans concessions et d’une pureté parfois révoltante.

16 aout 2005

Idées noires.

J’ai quitté la presse deux doigts sur la couture, je la retrouve au repos. Les Échos si diserts sur les réussites du gouvernement sont revenus quelque peu sur leurs positions, même Le Figaro prend un pli critique (peut-être un effet de son positionnement ouvertement Sarkozyste ?). Une étude de l’Insee sur l’évolution de l’emploi en France nous apprend qu’entre 1993 et 2001, plus de 2 millions d’emplois ont été créés en France. Depuis, c’est Waterloo. Ce retour du temps long en économie est un réel soulagement. Les diverses politiques menées depuis 4 ans n’ont aucun effet positif sur les domaines de « référence » : l’emploi, le pouvoir d’achat, la confiance.

Les gouvernements Louis-Philippards de Monsieur Chirac sont d’une superbe inanité, ils n’ont fait qu’entretenir la pénurie tout en libérant des moyens pour financer la paix sociale. Les réformes annoncées n’ont que des finalités palliatives, rien sur le long terme : baisse des remboursements des dépenses maladie des particuliers au profit des médecins, baisse des retraites par répartition au profit des retraites par capitalisation, précarisation de l’emploi et baisse des allocations chômage, sans oublier les diverses actions annoncées mais non financées, les lois votées inapplicables, etc... On n’est pas loin du Lay de Villon. Qu’attendre d’un gouvernement de droite après tout ?

La rentrée scolaire et politique arrive, les syndicats promettent qu’elle sera agitée, que le gouvernement devra affronter l’ire sociale. Les exigences soutenues par les syndicats sont de plus en plus sectorielles, elles concernent le plus souvent une branche d’activité, parfois un statut. Avec la fin des grands conflits généraux et des prises de position globales des syndicats, les gouvernements successifs et le nouveau patronat ont gagné en liberté d’action. L’avenir me semble bien sombre, peut-être que la reprise du boulot noircit mes idées, il n’empêche que rien ne vient étayer la pensée inverse.

28 juillet 2005

Niger.

Dans l’avant-dernier pays le plus pauvre du monde, 3,5 millions de personnes sont menacées par la famine malgré les nombreuses campagnes de préventions lancées par les Nations Unies. Cette semaine, une nouvelle campagne a été lancée en France, dans certains médias et par certains médias, pour porter à la connaissance du grand public le massacre qui s’y prépare. Mais dans ce cas, pas de crise politique, pas de guerre, c’est une famine « structurelle » : pas assez de terres arables, pas assez d’eau et pas assez de moyens mis en œuvre pour développer l’agriculture. Ce simple constat doit être complété.

Le développement de l’agriculture dans les pays pauvres d’Afrique n’est plus à l’ordre du jour depuis longtemps, même les cultures de survivances sont abandonnées au profit de latifundias qui ne produisent plus que pour l’exportation, les autres produits agricoles sont importés à vil prix des pays développés. Le dumping pratiqué par ces derniers pour écouler leurs productions détruit plus sûrement les cultures que les nuées de sauterelles. Les aides fournies par les organisations humanitaires (gouvernementales ou non) ont des effets secondaires inattendus. Sans contrôles, elles n’atteignent que rarement les populations concernées ; distribuées par des organisations caritatives, elles aident les gouvernements à installer les populations déplacées donc entérinent leurs politiques. Pour que l’aide arrive et soit utile, et que soient mises en place de véritables politiques de développement, seules les institutions gouvernementales internationales peuvent aider réellement à régler définitivement ces problèmes.

Depuis des lustres, nos gouvernements nous font la leçon sur l’aide au tiers monde, le développement des pays pauvres, la nécessaire coopération internationale... même M. Chirac y est allé de son couplet. M. Mitterrand en son temps avait ouvert la voie des promesses non tenues. Et pourtant, lors des grandes conférences de la Francophonie, combien d’actions pourraient être menées ! À trop demander aux associations, les États se sont désengagés de ces grands combats internationaux. Le Niger parle français, c’était une colonie française, le franc CFA est sa monnaie, alors que fait l’État français ? A-t-on entendu M. Douste-Blazy ? M. Chirac est-il intervenu ? Seul le Ministère de la défense a agi !

Sous couvert de non paternalisme, de non intervention dans les affaires d’un État souverain, l’État français se refuse sa seule fonction internationale viable : l’aide au développement. Avec peu, il est possible de faire vite et beaucoup. Le temps passe plus vite en temps GMT, comment faire comprendre ça au Ministre délégué à l’Agriculture de Corrèze.

25 juillet 2005

Regardez l’homme !

Septième Tour de France pour Lance Armstrong. Une telle longévité au plus haut niveau est une chose rare, et sur le Tour de France, une première. La presse a déjà beaucoup glosé sur le cas de cet homme qui sort d’un cancer et de l’anonymat du peloton pour vaincre et écraser toute la concurrence. Du talent, de la volonté, du travail et une équipe solide, c’est en résumé ce qui a permis ce tour de force. Reste cette suspicion de dopage qui traîne autour et de l’homme et de son sport. J’ai acquis la certitude qu’il n’y a pas de dopage à rechercher de son côté. Le cyclisme est lié au dopage depuis ses grandes épreuves. Pour supporter l’effort et la souffrance, le cycliste a besoin de ce moteur supplémentaire ; sans lui, il racle son corps à la route, il le déforme, jusqu’à en épuiser toute sa chair. Le dopage peu à peu n’est plus une aide pour l’effort mais dans l’effort, une drogue pour oublier, pas pour dépasser.

Pour Armstrong, ce devait être cela au début ; on sait que ses premiers tours de roues chez les professionnels ont été suivis par des équipes médicales qui « chargeaient » les coureurs dont ils avaient la... charge. Son cancer des testicules peut avoir un lien avec ces expériences. Mais après, après la maladie, le coureur anonyme est devenu une légende. Je ne reviens pas sur les raisons avancées par les nombreux spécialistes qui se sont penchés sur son cas.

Le corps de ce coureur disparaît dans l’effort. Il est évanescent, la machine semble tourner seule, sans l’aide d’aucune chair. Ce corps dans la forge de l’entraînement devient autre chose. Tous les coureurs que l’on voyait sur le Tour exprimer quelque chose par leur corps, l’effort, la souplesse, la vitesse, la douleur... De ce corps, rien ne vient, aucun signe interprétable. Quand Rasmussen, la chair à vif, se perdait dans le contre la montre, là il y avait un corps.

L’artisan qui inscrivait dans son corps son métier a disparu pour devenir cycliste, sprinter, marathonien, footballeur... Le sportif est l’artisan de son sport, il l’incorpore, le fait vivre par son corps et fait, comme il se doit, son tour. Dans son pèlerinage de clubs en équipes, le sportif reproduit la geste des compagnons pour créer enfin son chef-d’œuvre, c’est-à-dire lui-même. C’était ça Armstrong. La grande transformation de l’homme continue, mais rien de neuf sous le soleil.

19 juillet 2005

Le "spectacle diffus" du volontariat.

Une manière d’imposer sans commander commence à connaître une vogue inquiétante. Jusqu’alors engagement volontaire, elle est devenu, dans l’entreprise notamment, une méthode de management qui permet aux chefs de ne plus imposer mais de susciter. Dans le cadre de politiques publiques, il oblige, sans contrainte, sans violence visible, les citoyens à faire des efforts. Cette idée garde encore un peu de sa force quand il s’agit d’engagement humanitaire ou social, voire politique. Le volontariat est le signe de la démission évidente des responsables, une manière d’imposer par l’intérieur, par la volonté de celui qui fait l’effort, sans signifier la moindre coercition. En motivant le volontariat, il est plus facile de faire croire que la personne qui se porte volontaire le fait librement. Le Lundi de Pentecôte est remis en cause depuis sa création et, à présent qu’il est clairement établi qu’imposer un jour travaillé aux salariés pour financer une branche de la Sécurité Sociale n’est pas efficace, le gouvernement va certainement choisir la voie du volontariat, comme recommandé par le rapport Leonetti. Chaque salarié devra donc « choisir » un jour pendant lequel il travaillera sans être payé. Imposer le volontariat, formule ironique et déjà bien patinée par l’usage, perd de sa distance pour devenir une forme pratique d’aliénation. Combien d’entreprises se réorganisent en proposant un volontariat au départ, ou à la reconversion ? Le salarié qui de toute façon ne retrouvera pas son travail initial doit s’imposer le choix de le modifier.

Par le volontariat, il n’existe plus de responsable désigné, de force visible qui impose ; c’est ce que Guy Debord appelait le « spectacle diffus », aliénation sans visage, toile de fond de la modernité.

Le volontariat est en train de devenir, sous nos yeux, l’outil de coercition par excellence des sociétés pacifiées.

12 juillet 2005

Quelle mouche a piqué Delanoë ?

Quelle mouche a piqué Delanoë ? Pourquoi, le lendemain des attentats de Londres, a-t-il attaqué avec autant de rage le gouvernement Blair ? Après une tragédie, il existe une période de latence, de recueillement ; comme en temps de guerre on observait une trêve pour enterrer ses morts. Mais là, rien, l’attaque a été directe, violente, en tribune. A force de fréquenter le personnage, très présent dans les médias, j’avais pris l’habitude de l’entendre dire des choses rondes, bien tournées, parfois il attaquait, même durement, mais dans les règles de l’art, avec dérision ou ironie. Il a toujours fait preuve de tempérance, sauf sur cette affaire des jeux olympiques. Pourquoi ?

Paris - Londres - Bruxelles. Un triangle de 2 heures de côté entre trois pôles économiques et politiques majeurs de l’Europe. La compétition est devenue acharnée ces derniers temps et Londres a largement pris le dessus. Paris se vide lentement de ses habitants, peu d’entreprises s’y installent et de nombreuses usines de sa périphéries ferment ou se recomposent ; la ville garde son aura internationale mais dans les faits, elle est moins attractive que Londres et Bruxelles. Cette dernière est en rapide expansion malgré d’importants conflits avec sa périphérie, conflits linguistiques notamment, et elle bénéficie de forts investissements structurels induits, entre autres, par sa fonction européenne. Londres, quant à elle, explose. Centre financier mondial, pôle de recherche dynamique, elle attire de nombreuses entreprises de pointe dans sa périphérie et créée des emplois. Son maire, personnage haut en couleurs, a su réorganiser la ville sans nuire à son développement. Londres devient la nouvelle Ville Lumière. Face à ce succès récent, la municipalité parisienne semble désarmée et comptait sur les jeux pour relancer une politique de développement atone. Cet échec est aussi l’échec personnel du maire.

Delanoë se croit un destin national, il veut autre chose, et si près de 2007, les jeux auraient été une bénédiction. Il a mis toutes ses forces dans la bataille, bénéficiant en plus du soutien des plus importantes entreprises françaises. Cette arme de guerre aurait été d’une efficacité redoutable dans une campagne politique. Ce nouveau Chaban-Delmas devait rêver d’une campagne à l’américaine avec ses amis du spectacle et tout le tremblement. Et tout s’effondre à cet instant du « London 2012 ». Chacun peut recréer l’expérience que vient de vivre Delanoë, il suffit de fuir la réalité, de vivre un rêve pendant une longue période, puis qu’arrive un événement qui vous rappelle la dureté de la réalité.

Delanoë est un somnambule qu’on vient de réveiller, il est en rage.

11 juillet 2005

Le Tour de souffrance.

Le Tour de France est un événement personnel qui accompagne nos souvenirs. Chacun a son Tour. Pour moi, c’est les vacances, le soleil, la plage, et aux heures les plus chaudes de la journée, c’est ce moment passé à la fraîche, sur le canapé, dans la pénombre, dans les courants d’air. C’est la geste des costauds du peloton, d’individus exceptionnels soutenus par une foule hurlant leurs noms. C’est des corps déformés par le vélo, soumis à sa puissance. Le corps du cycliste est voué à son outil de travail ; suivant qu’il est grimpeur ou sprinter, il aura des muscles fins ou épais, un cœur lent ou rapide, mais toujours un souffle hallucinant. Il est l’ouvrier de sa machine, il lui donne la vie. Il est le moteur non mu qui permet tout le reste. Le centre d’un monde de souffrances.

L’homme cycliste n’est pas. Il est un conte, une fable. Il n’est qu’une tranche d’effort, un moment de douleur. La route ne se fait jamais seul, là Bahamontes a lancé une attaque, ici Hinault a définitivement gagné le Tour, c’est là encore que Casartelli a chuté ; les lieux se succèdent avec leur vie propre, dépassant chaque individu mais l’intégrant dans cette histoire qu’ils peuvent à leur tout marquer. La route du Tour, c’est le « Tour de souffrance », ce sont des hommes qui vont se briser dans cette conquête, par goût, par obligation, par hasard. Le vélo impose comme impose la mine ou la vigne, il crée sa société, modèle ses corps, génère sa propre histoire.

Le Tour arrive dans la montagne ; cet événement m’a absorbé. En voyant Rasmussen en danseuse sur le Ballon d’Alsace tout m’est revenu comme si une année n’était pas passée, comme si rien d’autre que le Tour n’était arrivé. J’étais dans tous les lieux et avec toutes les personnes avec qui j’ai partagé ce spectacle.

8 juillet 2005

Et soudain, l’anglais nous est cher. Hier encore, il était fourbe, calculateur, sans foi ni loi, nous devions penser de lui pis que pendre, et soudain...

De nombreux journaux ont été étonnés par le flegme de la foule britannique, par l’absence de panique. Il est évident que contrairement aux attentats de New York et Madrid, celui-ci était souterrain. Quand on a sous les yeux d’immenses immeubles qui s’effondrent avec fracas ou des trains éventrés, l’effet est bien plus impressionnant ; la violence de l’acte apparaît, elle est là, rappel de la déflagration. Le bus déchiré était sans perspective, masqué, isolé, loin du regard des passants qui ne purent voir qu’une carcasse comme on en trouve après un accident « commun ». La fumée qui sortait du métro était elle aussi semblable à toutes les fumées émises par les incendies urbains, fumée mêlée, blanchâtre et noire, à l’odeur âcre. Dans les commentaires de la presse, il restait un peu de cette anglophobie exprimée la veille. Le britannique n’est pas comme nous, il est flegmatique, détaché et au final, ça le rend sournois.

L’effroi transforme, écrase et oblige à se détourner. Ce sentiment coupe les liens normaux avec ses semblables, rend étranger à soi-même, étranger à soi-même dans le regard de l’autre ; il rend nu. Cette aliénation ne peut être dépassée qu’en retrouvant quelque chose de perdu. Le regard vide des personnes qui sortent d’un attentat appelle le regard de l’autre. Ce regard fou qui passe si bien à la télé.

Relier, c’est le travail le plus difficile, le plus dur, le plus inaccessible à ceux qui n’ont pas à le faire. Retrouver ce qui a été perdu en un instant, après ce flash, l’effroi, le tremendum. Ce petit voile que l’on aperçoit quand quelque chose qui ne devait pas se passer se passe ; c’est entrevoir ce qui a été vécu là-bas, en grand.

7 juillet 2005

“This is not cricket !”

Profitant de la désignation de Londres comme ville Olympique en 2012, quelques caciques français en ont profité pour exhiber leurs penchants anglophobes dans les étranges lucarnes. Certains le firent avec une bonne foi désobligeante, comme ce vieil homme qui n’aimait pas leurs habitudes alimentaires, d’autres avec fourberie, comme cet autre qui ne supportait pas leurs viles tendances aux intrigues de cour. Personnellement, je me réjouis de cette victoire. Paris n’avait pas besoin de ça. Entre le saccage du bois de Boulogne, le « réaménagement » des quais entre Jemmapes et Valmy et le bétonnage des Batignolles et de Saint-Denis, nous n’y aurions rien gagné. Le traditionnel « quand le bâtiment va, tout va » hérité du temps du Baron Haussmann fait encore beaucoup de dégâts dans l’opinion publique française. Quant aux 100 000 emplois promis, ils semblaient n’être, en fin de compte, que poudre aux yeux.

Une longue période propagandaire s’achève avec la désignation de Londres. Ce type de compétition pour la compétition, largement médiatisé, nous est à présent familier. Il impose peu à peu ses règles et son vocabulaire. Où seront nos élections d’antan ? Nomination, SMS, clips... nous élirons, peut-être, sur le mode de la Real TV. Est-ce le fait du hasard ou d’une sale habitude, mais en quelques jours nous avons assisté à de nombreuses élections sous nos latitudes : Medef, Jeux Olympiques, FranceTélévisions et à chaque fois les mêmes méthodes (par tour avec élimination successives). Contrairement aux élections démocratiques, tout se joue en coulisse, mais pour garder l’aura démocratique, ces élections particulières s’en réclament, chargeant peu à peu nos bonnes vieilles habitudes de lourdes suspicions.

Mais où seront nos élections d’antan ?

4 juillet 2005

Les jeux de Londres ?

Mercredi, Paris et les autres villes sauront si Londres a les jeux. Dans les canards, les dossiers se multiplieront sur le sujet, laissant peu de place aux restes de l’actualité. Puis tout rentrera dans l’ordre : Blair dirigera l’Europe, Sarkozy pompera, le G8 se réunira, Parisot sera élue à la tête du Medef, etc., la vie reprendra le dessus. La trêve des confiseurs (longue pendant l’été) commencera à peu près à ce moment-là pour s’achever début septembre. S’ouvrira une période de calme, mais également d’ennui. Que nous réservera la presse cet été ?

Nous le savons tous. Il suffit de penser à tout ce que l’on peut écrire et dire sur les vacances, au bord de l’eau, en montagne, les restaurants, les boîtes de nuit... sans oublier ce quotidien que l’on veut fuir (paraît-il), quotidien sordide, avec ses malheurs (maladies, chômage), et ces péripéties politiques qui gênent la tranquillité des français au repos. Déjà on voit poindre des dossiers suspects, des articles trop longs, des pages que l’on sent inutiles. Les phrases perdent en densité, les informations se diluent, les signatures se multiplient, les illustrations prennent de plus en plus d’espace, bref la presse se délite peu à peu ouvrant largement ses colonnes aux suppléments Découverte, Vacances Lointaines, Vins, Loisirs Nautiques...

C’est un moment béni pour la pige. On traque la citation dans des lieux improbables, les colonnes dévolues à tel ou tel client disparaissant, il ressurgit victime d’une sorte de syndrome chinois dans les colonnes de l’autre cahier, où aucun d’entre nous ne s’était encore aventuré. On découvre des lieux qui nous étaient jusqu’alors interdits, des lieux obscurs où la CFDT, la CNAMTS ou encore le Ministère de la Jeunesse et des Sports, ou celui de la Santé et des Solidarités n’ont jamais mis les pieds, les pages Finances ou pire encore les pages Luxes.

Bref, mes vacances, je les passerai la tête dans les pages, des mots plein les yeux.