Nuits de paresse: 10/09/08

10.09.2008

Un miroir posé sur le Monde

L’Europe de Sarkozy ressemble étrangement à Sarkozy lui-même. Profitant du Salon de l’Auto pour présenter un plan d’aide à l’industrie automobile « nationale », il a décrit l’Europe telle qu’il la voit : « Absence de pensée manifeste », « organisation informelle. » Il faut briser les règles pour rendre l’Europe efficace, propose-t-il au détour d’une « réflexion » sur la politique industrielle américaine. L’Europe est un carcan, il faut savoir le briser en temps utiles. Et tout ceci était dit avec naturel, presque sans notes, comme en aparté. C’est la pensée de Sarkozy Nicolas, c’est ce qui lui vient spontanément lorsqu’il aborde ce sujet. Nous avions déjà pu lire sa « philosophie spontanée » au détour d’une double entrevue accordée à Michel Onfray pour un magazine de vulgarisation. Je suis toujours surpris par la capacité qu’a ce petit bout d’homme à déraper. Cela semble venir comme ça, naturellement comme on dit, je suis certain que c’est préparé, et pourtant, cela n’a pas la « structuration » des dérapages de l’autre spécialiste du genre, le gros borgne. Lui il faisait écrire ses dérapages, il les préparait avec beaucoup d’application, c’était planifié, et à force d’entendre le personnage on savait que l’homme derrière avait bien fourbi ses armes. Ses sorties scintillaient.

Une Europe sans pensée manifeste. C’est le cœur de la pensée européenne du gouvernement en place. Il n’y a pas d’idée d’Europe, de rêve d’Europe chez ces gens-là. Le Marchiani de Sarko, son petit porte-flingue, celui qui porte un nom d’oiseau, avait bien préparé le terrain en disant combien le carcan européen pesait sur l’économie française, qu’il fallait faire preuve de souplesse dans l’application des critères de Maastricht. Et ce petit côté « I want my money back » des libéraux. L’Europe comme grande zone de libre échange. L’Europe que si cela profite directement, rapidement, immédiatement même, une Europe à moindre coût, une Europe de larbins, de serviteurs, de bouc-émissaires. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, il n’y a pas de pensée positive, ce ne sont que des calculs, des placements idéologiques à court terme, aucun grand plan d’ensemble, que des petits services. Cette petitesse politique est le miroir de la petitesse de ces hommes. Il n’y a rien de grand en eux, ce sont des louis-philippards, entourant un Louis Napoléon de pacotille. Malgré tout, on sent bien que derrière il y a un projet de société, qu’il y a une adhésion, une idéologie, l’application de la formule trop souvent oubliée « l’idéologie dominante est l’idéologie de la classe dominante ». Celle-ci n’a pas partie liée avec la classe gouvernante, elle se sont fondues, et la sortie proclamée de l’Histoire (dont l’enseignement est remis en cause dans l’Education nationale) est le signe manifeste de cette fusion-acquisition, comme on dit maintenant. Avec un cynisme désobligeant, le président en exercice confessait à ses débuts sa volonté d’être riche, d’intégrer ce monde des dirigeants. Et qu’après tout, le reste ils s’en branlait.