Nuits de paresse: 10/02/07

10.02.2007

La Question Humaine

Me voilà bien embêté. J’ai vu un film qui m’a ennuyé, un film que j’ai trouvé verbeux, prétentieux, mal joué, esthétiquement inintéressant, sans rythme, et pour tout dire affreusement parisien. S’il était encore possible d’en rajouter, dans le cinéma le plus imbécilement branchouille de Paris, le soir d’une sauterie organisée par l’Adami. En temps normal, il m’aurait fallu me concentrer un bon moment pour me souvenir ce que j’avais bien pu voir la veille. Pourtant, non seulement je me souviens parfaitement de ce film, de l’ambiance, de tout ce que nous avons pu en dire au sortir de la salle de projection, mais en plus je sais que je m’en souviendrai un bon bout de temps.

Un film (français) qui veut démontrer quelque chose est obligé de cumuler tout ce que j’ai pu dire sur ce film en particulier. Film engagé mais peu engageant, qui veut éveiller mais qui endort et qui traite un sujet d’une grande subtilité de manière grossière, il faut donc que son sujet le dépasse. Je laisse donc l’histoire pour présenter le fond. Dernière chose contre ce film, il ne sera pas vu par ceux auxquels il s’adresse, pour ne s’adresser qu’à ceux qui seraient capables de le décrypter mais qui n’ont rien à y lire. Un film digne de la République de Weimar.

Il traite de l’héritage de la taxinomie nazi.

Il est directement inspiré de l’œuvre de Klemperer sur la Langue du Troisième Reich. Il veut démontrer l’actualité de cet héritage en fusionnant le discours nazi et le discours du maître (ici celui de la structure du pouvoir en entreprise). Il se sert pour porter cette démonstration du nouvel interprète du maître, le fameux psychologue-RH. Il élabore, à la manière du Docteur Gabel, un parallèle entre la fausse conscience individuelle et l’aliénation collective. Il décrit les effets de bord de ce nouveau discours pour en saisir de manière poétique le cœur même. Le discours du maître est un discours antidialectique qui détruit tout mouvement ; il pétrifie l’individu, le déshumanise, le transformant en « corps ». Les mots morts génèrent des cadavres. Un passage de ce film reprend l’idée de Brecht sur la responsabilité de chacun des participants, même à la plus petite échelle, à cette œuvre de destruction systématique. Comment s’en sortir ? Le film ne le dit pas. Il s’achève sur un quatuor qui exécute un air comme ils (nous ?) exécutaient (ions ?) à Auschwitz.

En est-on arrivé là ? Le diagnostic est réservé. Le ventre etc.