Nuits de paresse: 10/22/06

10.22.2006

Evidence

Mon goût prononcé pour le cinéma de genre a été flatté au-delà de mes espérances par le visionnage intense d’une série récemment disponible. Un producteur américain a réussi un tour de force en réunissant les plus grands réalisateurs de ce cinéma : Dante, Romero, Argento, Landis, Carpenter, Hooper et Miike pour ne citer qu’eux. Cette série vient à peine d’être éditée en France, mais aux States, cela fait longtemps que les aficionados ont eu la chance de les voir. J’ai passé la semaine à les télécharger et le week-end à les regarder. A force de visionnage, m’est venue une idée, trouble au départ, mais peu à peu, elle a pris forme. La force du genre vient de l’immédiateté de l’Univers dans lequel nous sommes transportés. Cinéma du code par excellence, il possède une grammaire spécifique, un vocabulaire à part et une galerie de personnages identifiables au premier coup d’œil. Et pourtant, cette immédiateté pour qu’elle fonctionne ne doit pas prendre la forme de l’évidence.

Les univers qu’il a construits, ce cinéma doit les respecter. Il faut qu’ils gardent leur cohérence, que les genres du genre ne soient pas mélangés. Un film de zombie ne peut accepter de vampires sans tomber dans le pastiche, un film de monstre ne peut en accepter qu’un, un loup-garou ne peut déplacer les objets par la pensée. Ces environnements codés ont été constitués par des maîtres, dans un film original le plus souvent. Puis des reprises les ont définitivement assis. Et seuls ces maîtres avaient la possibilité de les renouveler. J’en ai déjà parlé pour le Monde des morts. Mais ce que je disais sur l’immédiateté de ces univers n’est pas si vrai. La force de ces films repose sur des indices. Ils ne construisent pas de réalité mais laissent des traces de quelque chose qui pourrait être. Ils imaginent une autre appréhension de la réalité.

Les indices d’événements ont une force dramatique que n’a pas l’événement lui-même, tout en montrant (monstrare - monstre) ils donnent une indication, un espace limité qui situe un phénomène, ou un type de phénomène précis. L’indice qu’il se produit quelque chose transforme un périmètre sensible, lui donne une autre pâte. Cette petite déchirure excite l’imagination et le spectateur surinvestit l’indice. L’apparition d’un monstre dans cet état d’esprit a des effets sensibles directs. Certains réalisateurs, comme Sam Raimi, s’en sont servi pour développer des effets normaux dont Hitchcock, dans un autre genre, était également très friand.

Reprenons cet appareil Indice/Indication – Evénement/Phénomène et amusons nous avec. Dans l’univers déréalisé du travail, toute trace d’une effraction du réel est surinvestie comme l’indice d’un événement. Cette parousie n’entraîne pas ce frisson si spécifique, mais une forme de dépression collective, un déni de ce qui vient d’apparaître. L’événement est un monstre que l’on chasse en détournant le regard. Il n’y a plus dans l’univers du travail ce phénomène quasi surnaturel que l’on pouvait tous observer, son achèvement : une œuvre. Cette absence déréalise tout ce qui le précédait. On en a perdu même l’indice.