Nuits de paresse: 12/09/08

12.09.2008

Terroristen

Le terroriste, c’est le grand autre. Un ennemi principiel, une part maudite qu’il faut retrancher à tout prix du corps social. Le terroriste cristallise les angoisses. Il est montré du doigt, mis au ban, c’est un monstre. Un monstre aveugle (puisque un monstre est toujours aveugle, hein !) qui tue sans discernement. C’est un être fanatique, toujours en conspiration et dont les actions ne sont guidées que par l’idéologie. Le terroriste cache toujours quelque chose, et s’il vit parmi nous, il est toujours suspect de masquer les raisons réelles de sa présence. Un terroriste a une part obscure qui le condamne de facto. Ainsi toute altérité devient le signe d’un possible être-terroriste.
La figure du terroriste, fanatique, hirsute et fiévreux, les traits déformés par la haine qu’il porte en lui, est une image d’Epinal qui traverse les âges. Il agresse le corps social, tue sans discernement (donc), et peut être dans certains cas assimilé à un malfaisant, à un malfrat qui sous couvert de grandes idées (dont la noblesse est toujours discutable), ne cherche qu’à s’enrichir. Le terroriste accepte son statut de terroriste, et recevoir cette appellation est pour lui le but de son action. Il veut être reconnu, parce que le terroriste a besoin de cette publicité (le fait de rendre public) pour exister. Un terroriste ne le devient que quand il est appelé terroriste.
Mais le terroriste est aussi un bouc émissaire, il est stigmatisé (inévitablement), il porte une faute, il est une mauvaise conscience, la preuve que quelque chose ne marche pas, ou alors, c’est qu’il est fou, la preuve que quelque chose ne marche pas en lui (ce qui peut aller de paire, faut pas déconner). Le terroriste est aussi bien le signe d’un malaise qu’un malaise. Son évocation trouble. Il trouble le jugement, inspire le dégoût et suscite la condamnation immédiate. Le terroriste doit être abattu. Il n’a pas le droit de cité. C’est pour lui l’ostracisme ou la mort.
Qui peut bien avoir le droit légitime de nommer quelqu’un terroriste ? Qui a ce pouvoir hallucinant de taxinomie ? J’ vais pas vous faire un dessin. J’ai remarqué un truc qui me chiffonne depuis pas mal de temps, c’est que ce pouvoir de stigmatiser s’est peu à peu déconcentré, voire décentralisé. Certains termes sont employés pour démontrer la puissance d’un groupe voire d’une personne, et parmi ces termes il y a celui d’antisémite qui est devenu un enjeu dans le champ médiatique. Celui qui peut désigner quelqu’un comme antisémite, et être écouté donc reconnu comme légitime pour le faire, se retrouve avec cette arme de destruction massive qui est normalement aux mains de l’Etat : la taxinomie. Bourdieu est devenu antisémite, Siné, Pudlowski, Morin… j’en passe. Souvent pour régler des différents qui n’ont rien à voir avec un quelconque antisémitisme (il y a des antisémitismes, d’où le terme quelconque).
Et histoire de taquiner, je souhaite finir en disant que souvent les Etats qui traitent des personnes morales ou physiques de terroristes sont des Etats terroristes.