Nuits de paresse: 11/27/08

11.27.2008

Coin !

Il fallait bien qu’un jour mes yeux se décillent. Je commençais à en être très irrité, mais on se fait à tout. Certaines compagnies ne sont pas plus souhaitables que cela, pourtant on s’y fait avec le temps. Une question d’habitude. On se retrouve à faire des choses peu intéressantes et l’on se dit que c’est ça la vie aussi. Qu’après tout, on ne choisit pas entièrement son environnement. Heureusement, des moments particuliers existent. Je cite souvent une scène des « 120 journées de Sodome » de Pasolini, quand une des demoiselles esclaves dans un effort absolu de faire comme si tout cela était normal s’étouffe en tentant de manger de la merde. Ce matin, j’ai un peu eu cette sensation. Tous les matins, je me tapais un truc qui avait des relents. Des relents de Sarkozye. Abonné depuis presque quatre ans à Libération, au moment où le journal se mourrait, j’en avait fait un genre d’engagement citoyen, pour que ce journal vive et porte une parole de gauche, je le gardais parfois contre ma raison. Car dès son premier édito, Joffrin annonçait ce que serait son canard, un truc un peu boiteux mais qui s’engageait résolument à gauche. Depuis l’accession du nabot à la tête de l’Etat, le wait and see joffrinien, sa volonté de raison garder me portait sur le système analytique. Certains éditos allaient jusqu’à trouver l’action du petit caporal positive. Ces jours-là, je l’avoue, j’en pétais une durite. Mais aujourd’hui, ils sont allés trop loin. C’est pas Joffrin himself qui est allé trop loin, mais son journal. Dans un article à chier, une certaine Roussel, travaillant visiblement au service culturel, donc dans le service le plus snob du journal, a défendu le travail d’investigation des deux journalistes qui ont pondu « Le Vrai Canard. »

Dans le Canard Enchaîné de la veille, Michel Gaillard étrillait par le menu cette enquête à deux sous. L’argumentation était solide, la mise en bière bien ficelée. Ce n’est pas la première fois qu’une investigation était ainsi remise à plat. Je me souviens encore de l’article qui était paru peu après la sortie de l’ouvrage « L’affaire Yann Piat » qui critiquait les méthodes et les conclusions des deux journalistes dont un était au Canard à l’époque. Quand le Canard se plante, il assume. Quand un de ses journalistes déconne, il assume. Il y a certainement de l’arrogance là-dessous, mais il me semble que c’est surtout le fait d’une vision du journalisme, vérifier ses sources, consolider ses analyses, présenter les points de vue tout en gardant un ton décalé, une distance avec ce qui est en jeu.

Libération se prend au sérieux, Libération détient la vérité, Libération est un journal de gauche, Libération me fait chier. Donc je me désabonne. Maintenant, qu’est-ce que je vais pouvoir lire pour me réveiller ?