Nuits de paresse: 02/02/09

2.02.2009

Chroniques de La Défense


Dimanche soir, petit matin du lundi, dernier métro, j’ai voyagé seul la moitié du temps. Personne dans mon compartiment. A Saint-Lazare, quelques voyageurs me rejoignent. On se sépare à Concorde, pour mieux se retrouver quelques mètres plus loin. Ce ne sont pas les mêmes, mais je ne fais pas la différence. J’ai eu l’occasion de prendre le premier métro vers La Défense, le premier RER plus exactement, ce qui n’est pas la même chose. Dans le premier métro, on trouve un peu de tout, dans le premier RER on trouve toujours le même, beaucoup de femmes, noires, elles sont en petits comités, elles font ce trajet depuis longtemps ensemble, elles parlent de choses et d’autres, en dialectal mâtiné de français. La langue vernaculaire du RER de 5h25. Elles s’éparpillent toujours en groupes tout le long des arrêts, mais la majeure partie sort à La Défense. Elles vont nettoyer les bureaux. J’étais souvent le seul blanc dans mon compartiment. Bien dodu et barbu. J’allais à l’époque travailler une petite poignée d’heures. Je finissais mon contrat. Je n’avais pas grand-chose à faire. Je faisais acte de présence. J’étais plutôt content d’y aller. J’étais déjà ailleurs.
Hier, donc ce matin, je suis sorti seul de la gare de La Défense, j’ai traversé seul le petit morceau d’esplanade qui me mène à mon bureau. J’ai jeté un coup d’œil depuis l’escalator sur sa face nord. Il faisait froid. Depuis mes hauteurs, j’ai pensé au désert des tartares, les crénelures sous mes pieds, à imaginer la vie pour laquelle tout ça avait été conçu, la foule qui va, la foule toujours présente, la foule intrinsèquement liée à cette dalle, aspirée et recrachée par les tours. J’imaginais les milliers de petits chemins fabriqués par tous ces gens qui se comportaient en masse comme des globules, chargés d’oxygène à l’arrivée et ressortant lourds de gaz nocifs ; ils purifient un air qui n’est même pas pour eux. C’est grâce à eux que vit ce Léviathan de béton, mais ils l’ont oublié. La défense transforme, écrase et retraite chacun d’eux. Chacun de nous. La Défense est un lieu qui fait semblant de vivre.
La Défense est un désert en-dedans encerclé de vie.