Nuits de paresse: 11/26/08

11.26.2008

Le parti (suite)

« La campagne, c'est la période où vous tuez vos ennemis : la transition, c'est le moment où vous poignardez vos amis »
Le fin mot de James Carville (ancien conseiller de Bill Clinton), d’un cynisme consommé, résumera très bien la période qui commence. Pourtant, je vois mal la très hétéroclite alliance autour de Mme Aubry s’en laisser compter aussi facilement. Les marquis qui ont soutenu la candidature Royal par contre s’en feront un plaisir. Ils voulaient la victoire, en acceptant la défaite les premiers, ils exhibent leur légitimisme de bon aloi, attendant en retour des places de choix. Se sachant incontournables, des messieurs comme Collomb ou Guerini, vont avec emphase abandonner leurs places de premiers soutiens à l’ex première dame du parti. « E buon i soldi », fameuse réplique du Parrain, sera le grand inspirateur des petites manœuvres qui commencent. Les amis de Fabius et Strauss-Khan voudront truster un maximum de postes afin de préparer les candidatures de leurs chouchous (l’aveuglement des militants qui soutiennent un candidat m’a toujours effrayé), Delanoë ayant disparu, pas mal de postes sont à prendre, et il n’est pas impossible que de nouvelles têtes apparaissent au sein même du Conseil National.
Voilà pour les hommes. Le reste est plus intéressant.
Depuis plusieurs années, l’opinion publique régresse. Chute des ventes de journaux, apparition de publications gratuites qui livrent sans analyses des informations basiques, abaissement du niveau général de la qualité des journalistes, égalisation des informations diffusées par les journaux télévisés, perte de confiance dans les grands médiateurs qu’étaient les journalistes, les politiques, les analystes et autres spécialistes des états du monde, en d’autres mots, trahison (s’il était possible de faire pire) des clercs de tout ordre, ont réduit les consensus autour de sujets généraux et favorisé l’apparition dans le monde politique de personnalités messianiques auxquelles il est facile de s’identifier. Parallèlement, un autre processus est en cours. Augmentation de la fréquentation des marchés de proximité, constitutions d’associations et de réseaux d’associations très dynamiques, recherche des liens au plus proche, multiplication des micropublications aussi bien sur papier que sur le web, poids grandissant des structures mutualistes (hors secteur bancaire, faut pas déconner), bref une autre manière d’aborder le lien social qui va favoriser le voisinage aux grands problèmes généraux qui jusqu’alors passionnaient la société française. La disparition du Parti Communiste au profit du communisme municipal et la régionalisation du Parti Socialiste s’inscrivent dans cette perspective. Il me semble que ce que nous avons vécu ces derniers jours au PS est le dernier feu d’une manière d’aborder le Parti et ses équilibres. Il est clair que le discours halluciné de Mme Royal a un écho réel chez les militants et les adhérents car il exprime un besoin de reconstruire des solidarités qui avaient été laissées de côté par le projet Mitterrandien de prise du pouvoir. Lent processus qui n’a pas grand-chose à voir avec les hommes du parti. Ils vont tout faire pour conserver leurs prérogatives, mais l’évolution générale du parti ne dépend pas d’eux. On verra.