Nuits de paresse: 02/03/09

2.03.2009

Chroniques de La Défense


Je retrouve avec une joie évidente les plaisirs de la chasse. La chasse aux mots. La chasse aux citations, aux articles pertinents, au travers de la presse. Aujourd’hui par exemple, dans Les Echos, un bel article sur le stress au travail à La Défense. Comme quoi. Une sociologue italienne a soulevé récemment un problème intéressant. Dans les années 80 est apparu un nouveau discours du maître, le discours managérial. Dans ce discours, la responsabilité du travail est transférée au salarié. Le salarié est devenu responsable de son travail, il est devenu responsable seul. Dans ce discours, il ne s’appelle plus salarié mais collaborateur, il est en première ligne, il assume la charge de son travail, il en rend comptes. Il doit donc assumer les erreurs, les fautes, l’entreprise se déresponsabilise. Mais la qualité de ce travail ne change pas, cela reste le travail de l’entreprise, ce n’est pas son travail propre, ce n’est pas son activité, c’est toujours le même travail fractionné, un travail à la chaîne, il n’y participe que partiellement. Responsabilité complète sur un travail partiel, parcellisé. Résultat, le stress du salarié augmente. Inévitablement. Il doit se justifier d’un travail qui le dépasse, qu’il ne maîtrise pas, il surinvestit. Cette surcharge l’isole un peu plus, l’oblige à s’oublier et parfois cela finit en burn out. L’inspection du travail de Nanterre a frappé fort en obligeant les entreprises à se justifier sur les conditions de travail de leurs salariés. Peu nombreux, mal équipés, sans pouvoirs importants, les inspecteurs du travail tentent tant bien que mal de faire leur boulot, celui de protéger les salariés contre ce genre de discours. Beaucoup de salariés l’ont pourtant si bien intégré qu’ils ne réagissent plus, ils prennent même le parti de leurs patrons, le parti de l’entreprise. La culture de la résistance s’est appauvrie, remplacée par une culture du résultat, une culture d’entreprise.
La Défense est une des forges du discours du manager, un lieu d’expérimentation. J’ai en mémoire la scène de révolte dans Metropolis, au milieu des machines, des hommes et des femmes en colère qui ruent contre leurs conditions. Esthétiquement, La Défense ressemble au lieu imaginé par Lang. Peut-être qu’un jour…
On peut toujours rêver.