Nuits de paresse: 8 juillet 2005

9.02.2006

8 juillet 2005

Et soudain, l’anglais nous est cher. Hier encore, il était fourbe, calculateur, sans foi ni loi, nous devions penser de lui pis que pendre, et soudain...

De nombreux journaux ont été étonnés par le flegme de la foule britannique, par l’absence de panique. Il est évident que contrairement aux attentats de New York et Madrid, celui-ci était souterrain. Quand on a sous les yeux d’immenses immeubles qui s’effondrent avec fracas ou des trains éventrés, l’effet est bien plus impressionnant ; la violence de l’acte apparaît, elle est là, rappel de la déflagration. Le bus déchiré était sans perspective, masqué, isolé, loin du regard des passants qui ne purent voir qu’une carcasse comme on en trouve après un accident « commun ». La fumée qui sortait du métro était elle aussi semblable à toutes les fumées émises par les incendies urbains, fumée mêlée, blanchâtre et noire, à l’odeur âcre. Dans les commentaires de la presse, il restait un peu de cette anglophobie exprimée la veille. Le britannique n’est pas comme nous, il est flegmatique, détaché et au final, ça le rend sournois.

L’effroi transforme, écrase et oblige à se détourner. Ce sentiment coupe les liens normaux avec ses semblables, rend étranger à soi-même, étranger à soi-même dans le regard de l’autre ; il rend nu. Cette aliénation ne peut être dépassée qu’en retrouvant quelque chose de perdu. Le regard vide des personnes qui sortent d’un attentat appelle le regard de l’autre. Ce regard fou qui passe si bien à la télé.

Relier, c’est le travail le plus difficile, le plus dur, le plus inaccessible à ceux qui n’ont pas à le faire. Retrouver ce qui a été perdu en un instant, après ce flash, l’effroi, le tremendum. Ce petit voile que l’on aperçoit quand quelque chose qui ne devait pas se passer se passe ; c’est entrevoir ce qui a été vécu là-bas, en grand.

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