Nuits de paresse: 25 juillet 2005

9.02.2006

25 juillet 2005

Regardez l’homme !

Septième Tour de France pour Lance Armstrong. Une telle longévité au plus haut niveau est une chose rare, et sur le Tour de France, une première. La presse a déjà beaucoup glosé sur le cas de cet homme qui sort d’un cancer et de l’anonymat du peloton pour vaincre et écraser toute la concurrence. Du talent, de la volonté, du travail et une équipe solide, c’est en résumé ce qui a permis ce tour de force. Reste cette suspicion de dopage qui traîne autour et de l’homme et de son sport. J’ai acquis la certitude qu’il n’y a pas de dopage à rechercher de son côté. Le cyclisme est lié au dopage depuis ses grandes épreuves. Pour supporter l’effort et la souffrance, le cycliste a besoin de ce moteur supplémentaire ; sans lui, il racle son corps à la route, il le déforme, jusqu’à en épuiser toute sa chair. Le dopage peu à peu n’est plus une aide pour l’effort mais dans l’effort, une drogue pour oublier, pas pour dépasser.

Pour Armstrong, ce devait être cela au début ; on sait que ses premiers tours de roues chez les professionnels ont été suivis par des équipes médicales qui « chargeaient » les coureurs dont ils avaient la... charge. Son cancer des testicules peut avoir un lien avec ces expériences. Mais après, après la maladie, le coureur anonyme est devenu une légende. Je ne reviens pas sur les raisons avancées par les nombreux spécialistes qui se sont penchés sur son cas.

Le corps de ce coureur disparaît dans l’effort. Il est évanescent, la machine semble tourner seule, sans l’aide d’aucune chair. Ce corps dans la forge de l’entraînement devient autre chose. Tous les coureurs que l’on voyait sur le Tour exprimer quelque chose par leur corps, l’effort, la souplesse, la vitesse, la douleur... De ce corps, rien ne vient, aucun signe interprétable. Quand Rasmussen, la chair à vif, se perdait dans le contre la montre, là il y avait un corps.

L’artisan qui inscrivait dans son corps son métier a disparu pour devenir cycliste, sprinter, marathonien, footballeur... Le sportif est l’artisan de son sport, il l’incorpore, le fait vivre par son corps et fait, comme il se doit, son tour. Dans son pèlerinage de clubs en équipes, le sportif reproduit la geste des compagnons pour créer enfin son chef-d’œuvre, c’est-à-dire lui-même. C’était ça Armstrong. La grande transformation de l’homme continue, mais rien de neuf sous le soleil.

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