Nuits de paresse: Tableau 3

4.03.2007

Tableau 3

J'imagine avoir eu le souvenir de quelque chose qui aurait pu être. En janvier, un peu par hasard, en me baladant dans un parc pas trop loin de chez moi, j'ai cru voir l'indice d'un petit signe venant de pas trop loin de moi. Comme tous les signes, on peut passer au travers, mais celui-ci était assez remarquable. Il émanait d'un endroit normalement vide. Un de ces lieux que l'on contourne du regard, sur lequel rien ne donne l'occasion de s'arrêter. Dans l'ombre d'un arbre, vous savez là où personne ne passe, où le sol est toujours bien tanné, de ces grands arbres que l'on contourne toujours par la gauche, peut-être par habitude, ou par atavisme. Dans ce lieu, j'avais la sensation que quelque chose m'appelait. Je ne suis pas un grand aventurier, je suis de ceux qui prennent toujours le même trottoir quand ils vont au bureau, qui ne cherchent pas un accès plus rapide aux quais de leurs métros, ou qui ne s'aventurent jamais dans les lieux un tant soit peu interdits. Mais cette sensation d'être appelé était trop forte, et mon humeur du moment était, bien grand mot tout de même, à la découverte. Parce qu'il me manquait une pièce ce jour-là, parce que je n'avais pas bien dormi, parce que j'avais été éveillé par un rêve érotique, parce que ma peau voulait ressentir autre chose que mes mains sous la douche ou les fibres de mes vêtements. Alors mes pas suivirent mon regard. Je m'approchai doucement de ce lieu mystérieux. Et plus j'avançais, et plus cette sensation s'atténuait. A quelques pas de l'arbre, il n'en restait plus rien. Je m'arrêtai juste avant d'entrer dans ce micro-sanctuaire. A l'affût. Mais rien ne vint. Je restai ainsi une bonne demi-heure. Plus aucun signe, plus la moindre sensation, juste le dos qui crissait légèrement. Il fallut me rendre à l'évidence, j'avais rêvé tout ça. Pourtant, il y avait bien eu quelque chose, là, dans ce lieu, sur cette partie vierge, à droite de cet arbre. Alors je me reculai. Et avec chaque poignée de pas, cette sensation regagnait en intensité et quand j'atteignis le lieu de ce premier émoi, elle avait retrouvé sa force initiale. Je devais être là, à ce point précis, à présent marqué d'une croix. Quand, les jours un peu troubles, ma peau me rappelle la douceur de ce sentiment, j'y reviens. Je place mes pieds sur ma croix, je regarde dans la distance, cette joie inaccessible, et au moment de partir, par un dernier soupir, je regrette de ne pouvoir la porter avec moi.

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