Nuits de paresse: The Shield ou les malheurs de la virtu

4.24.2007

The Shield ou les malheurs de la virtu

Ouais ! C’est ma série. Sixième saison, on est en plein dedans. Un commissariat tout pourri dans Farmington, un quartier malfamé de Los Angeles, un latino qui reprend une équipe en plein désarrois, un groupe d’intervention musclé commandé par un flic qui fait son biz avec les mafias locales. Ce caïd c’est le cœur de la série. Si bien que l’acteur qui le joue en est devenu le producteur (Michaël Chiklis, la Chose dans le minable « Les Quatre Fantastiques »). Parce que le personnage est bon, très bon. Et l’acteur a ses moments. Et puis y’a un vrai climat, des histoires croisées, des gars pas nets, des gonzesses parfois flippantes. Glenn Closed débarque, saison trois, dans cet univers sordide en remplacement du précédent commissaire, un latino vérolé prêt à tout pour un poil de pouvoir. Et saison quatre, Forrest Whitaker explose tout, dès qu’il apparaît, l’ambiance déjà bien malsaine devient irrespirable.

Ça fait du bien de voir une série sans complexes, qui ne fait pas la morale mais qui tente d’apporter un peu de nouveauté au genre. Une série sombre dont on sait que nul ne sortira indemne. Y’a pas d’espoir là-dedans, juste s’en sortir le moins mal possible. L’Amérique de Bush-Reagan ? On est dedans, mais à aucun moment ses valeurs ne sont mises en avant. C’est l’Amérique du fond du puits. Dans cette Amérique, entrer dans un hôpital c’est faire un crochet sur la route du cimetière, seuls les plus forts peuvent s’en sortir, mais uniquement sur le dos des plus faibles. Y’a parfois une petite loupiotte au fond, un bout du tunnel qui apparaît. C’est pas trop clair, mais on peut y arriver, un peu cradingue, pas trop fier de soi, mais ça reste possible.

Tu peux compter sur ta force, mais seul, ça sert à rien, le courant est trop fort, faut s’y mettre à plusieurs. Le mariage ? Rien à attendre de ce côté, le seul couple qui résiste est infréquentable et sent le soufre. Le boulot ? Un vrai coupe-gorge, une usine d’équarrissage, et même les plus vertueux ont toujours les pieds dans la merde. Alors être un surhomme ? Même pas, mais ça aurait pu marcher, on est parfois à la limite d’y arriver, mais arriver à quoi ? C’est la solitude au bout du tunnel, la vraie. L’amitié ? Bingo ! La seule chose qui arrive à sauver les personnages de cette série, c’est la force de l’amitié, un lien puissant, incorruptible, ou presque, car quand on oublie ça, on sombre, et là, c’est le drame.

The Shield est filmé caméra sur l’épaule, avec des angles parfois très cavaliers, un peu comme dans la série néo-fasciste « NYPD Blues », mais avec beaucoup plus de talent. Le spectateur est dans tous les drames, immergé, impossible de s’en sortir, la distance est presque nulle, je dis presque parce qu’avec le temps, on s’y fait, on gagne en distance, la force de l’habitude. Mais le réa est un petit malin, il invente constamment, et parfois ça devient une série de « Héhé ! Tu l’avais pas vue venir celle-là ? », la caméra devient un acteur du récit, elle est elle-même écrite, c’est un personnage à part entière. Et ça, c’est très fort.

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