Nuits de paresse: Libé, 13 novembre

11.13.2007

Libé, 13 novembre

Jour de grève. Le jour où le « ça va de soi » ne va plus. Les trains sont conduits, les guichets sont ouverts, l’électricité circule, et l’on finit par oublier que derrière ces habitudes, il y a des êtres humains. C’est un jour pendant lequel le guichet prend la parole, le train nous dit quelle est sa vie, l’électricité qu’elle n’est pas un miracle chaque jour recommencé. La grève, ça humanise. Les usagers deviennent autre chose, ils affrontent leurs habitudes, et peuvent ce jour-là les mettre en question. Que le parcours quotidien jusqu’alors simplement épuisant, à Paris notamment, devient insupportable, que ce petit enfer quotidien n’est possible que grâce à d’autres personnes qui vivent elles-mêmes leur petit enfer quotidien, que nous ne sommes pas agglutinés, mais que nous vivons ensemble. Les jours de grève, le quidam parle au quidam, ça échange, la promiscuité devient de la proximité. C’est un beau jour qu’un jour de grève.

En outre, c’est un jour où le travail est réellement mis en valeur. Il n’est plus cette quantification objective qui nous est serinée à longueur de temps, mais une qualité personnelle. Il redevient un acte d’individu, et perd son autonomie imaginaire. Il n’est plus « le » travail, mais une personne qui a une activité dans la société. Et chacun peut affirmer cette évidence que c’est moi qui fait ce travail-là.

Sinon, Facebook vend ses bases de données aux publicitaires ("Nous allons aider vos marques à faire partie des conversations quotidiennes qui se produisent tous les jours entre les membres", Mark Zuckerberg, PDG de Facebook..."), cette phrase de Bertrand Delanoë que je sors malicieusement de son contexte : « On ne peut pas ignorer totalement le suffrage universel. Si on y arrive tant mieux. Si on n’y arrive pas, ce sera dommage. » Et puis cette réflexion de l’excellent Didier Le Reste : « Je pense qu’il y a une prise en otage des régimes spéciaux pour régler d’autres questions et peut-être préparer l’opinion à d’autres réformes. Notamment celle de 2008, qui va demander de nouveaux sacrifices aux retraités du régime général. »

Ce soir, « The Cave » de Steve Reich est joué à la Cité de la Musique. Ça fait 6 mois que j’attends…

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