Nuits de paresse: Socialisme périphérique ?

11.19.2006

Socialisme périphérique ?

La victoire de Melle Royal était attendue, presque écrite d’avance. A chaque Assemblée Générale, les nouveaux adhérents martelaient qu’ils voulaient un représentant du PS au second tour, et un représentant qui puisse battre Sarkozy. Les sondages allaient dans ce sens ; Melle Royal était la plus à même d’exaucer ces deux vœux. Plusieurs chevau-légers du parti se sont ralliés au panache de Ségolène, contre une promesse, par opportunisme, parce qu’il le fallait. La particularité du ticket Royal c’est qu’il associe les légitimistes du parti et les « modernes », ceux qui n’ont pas encore le poids qu’ils mériteraient au sein du parti. Maintenant que les urnes ont parlé, nous pouvons un peu mieux comprendre ce qu’il est en train de se passer dans le parti.

Depuis belle lurette, le PS n’est plus un parti ouvrier mais un parti de salariés, de cadres moyens. Le PS n’est plus un parti de militants, et c’est une nouveauté, mais un parti d’adhérents, nouvelle forme d’engagement politique, moins concrète, moins sensible aux discours totalisants, aux constructions idéologiques. Le PS a aussi beaucoup recruté hors de ses bastions, dans des régions où il était moins bien implanté. Ces évolutions expliquent en grande partie le succès de Melle Royal, de son discours pragmatique, moins orthodoxe, plus souple, moins idéologique, parce que ça tâtonne, on fait dans l’immanent, l’exemple concret, les valeurs sont là mais un peut en retrait, ce sont des pré requis, des évidences. Quelques-uns de ses adversaires l’ont attaquée sur les valeurs socialistes, mettant en doute le simple fait qu’elle puisse être de gauche, faisant choux blanc à chaque fois.

Ce discours simple, cette façon de dialogue avec les adhérents a plu, mais il ne faut pas oublier que cela n’a en aucun cas modifié les vieilles allégeances, les vieux bastions ont suivi en majorité les appels des dirigeants des fédérations, les éléphants ont toujours le même poids, les structures du parti sont toujours aussi pétrifiées. Pas de révolution au sommet, peu de sang neuf, c’est à la base que les choses ont changé et il faudra du temps pour que ça remonte. Il faudra aussi voir si les nouveaux adhérents vont rester dans le parti, s’ils vont renouveler leur carte, s’ils vont aller sur le terrain. Rien n’est moins sûr. Ce n’est après tout peut-être qu’une bulle spéculative, un petit jeu mis en scène par une poignée de caciques du parti.

Les différentes études sur l’évolution du vote des Français montre que depuis les débuts de la IIIème République, les évolutions ont été très lentes, et même marginales, et que seules les grandes évolutions sociales engendrent des évolutions politiques. Le succès du Front National n’est pas le fait de Mitterrand, mais la conséquence de la déréliction du monde ouvrier et de ses représentants classiques, ou plus loin de nous la fin du monde paysan et de ses solidarités explique en partie la montée du fascisme en Europe.

Or que s’est-il passé ces vingt dernières années ? Paupérisation du salariat, perte de revenus des classes moyennes, explosion de la part du capital dans le travail, et donc de la rentabilité du travail, et enfin, mais je m’avance peut-être un peu trop, la fin de la fonction historique des classes intellectuelles. Dans le même temps, la représentation politique a peu évolué. Irait-on tranquillement vers ce qu’on appelait la fin du politique ? Dans la société spectaculaire la politique n’est plus un enjeux, cette forme réifiée des rapports sociaux semble perdre sa fonction symbolique, elle ne catalyse plus les luttes sociales. Comme aux Etats-Unis, deux partis se partagent les fonctions de l’Etat au mieux des intérêts des classes dirigeantes, sans s’en cacher. On sait qui gouverne et pour qui, vous avez pu le lire dans les journaux, comme une évidence. Nous savons ce qu’il en coûte au peuple américain de vivre sous ce régime.

Plus que 400 ans.

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