Nuits de paresse: 12 juillet 2006

9.04.2006

12 juillet 2006

Coupé du Monde

Après celle de Corée du Sud, c’était peut-être la coupe du monde la plus fliquée. La grand peur des autorités était le Hooligan. Figure mythique, presque sacrée du monstre intouchable, craint et détesté, souvent issu de l’ancienne classe ouvrière, donc deux fois sale. Le hooligan était prié de rester chez lui, interdit d’entrée dans le cercle magique du stade.

Dans l’enceinte, tout est ritualisé. Le spectateur est contrôlé, encadré, il doit respecter des règles strictes de bienséance et est prié de participer à la Grand Messe qui se joue en contrebas sur la pelouse. Là, deux groupes de mages parés de couleurs spécifiques s’affrontent sous le contrôle d’un prêtre sachant les écritures et seul capable d’interpréter les signes. Il a droit de vie et de mort sur les participants. Gardien et juge, il porte une tunique sacré que nul ne peut toucher. Il est l’œil qui voit tout, il est impeccable. Quand les hooligans participent à ce rituel, ils font entrer le profane dans l’enceinte sacrée. Ils sont le monde contre la règle, l’attache physique des équipes. Chose insupportable quand les nations sont censées s’affronter dans une parodie guerrière, ils sont le corps présent, celui qui touche, qui réalise l’affrontement. Le hooligan n’a pas sa place dans le spectacle de l’affrontement.

Alors quand tout à coup la réalité des corps des joueurs apparaît, la parodie se mue en tragédie. Miasmes, saignements, fractures, coups... tout ceci inquiète le spectateur, lui renvoie l’image de son propre corps meurtri, fatigué, sale. Le dégoût exprimé dans ces moments est mystique, extatique. Les muscles se raidissent, le visage se déforme, l’effroi s’incarne. Qu’elle apparaisse sur le terrain ou dans les tribunes, cette présence du corps est condamnée moralement ou physiquement. Dans les tribunes, ce sont les autorités civiles qui interviennent, sur le terrain, les autorités sportives. Un corps brisé n’aura pas les mêmes droits.

Alors Zidane. Que penser de ce geste soudain entrevu par les seules étranges lucarnes ? Mille fois condamné, il reste un geste d’homme, la négation de ce qui régit le combat dans l’arène. Il impose le corps là où il n’y a que des symboles. Une fois son nom écrit sur l’ostracon, il est rejeté dans le monde, banni de l’assemblée. Il n’arrivait pas à partir seul, ce geste le condamne enfin à ne plus revenir. Il réalise le souhait de n’être plus que soi.

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