Depuis quelques temps, je porte à mon poignée droit un collier que j’avais acheté au Sénégal. C’est un collier multicolore que je dédouble pour qu’il tienne, et la deuxième boucle depuis ce matin passe entre le pouce et l’index. Ainsi affublée, ma main semble différente, j’ai même l’impression qu’elle ne m’appartient plus tout à fait. Et cette présence me détend. Ce collier a une histoire, et sa forme est pour moi un souvenir d’autre chose encore. Et ainsi équipé, un peu étrangé (forme active) à moi-même, je passe du temps à feuilleter le catalogue en ligne des cœurs perdus, j’ai nommé Meetic.
Et j’en passe du temps, croyez moi, à lire des fiches signalétiques, des annonces pleines d’espoirs, à visualiser des photos qui présentent la gente féminine sous (presque) toutes les coutures. Et le caractère massif de ce catalogue, son absence d’histoire, en fait un triste aide-mémoire. Le souvenir de personnes jamais rencontrées. La compulsion quotidienne de cette théorie d’individus, la présentation onirique de soi, les rêves couchés en quelques mots souvent mal choisis, tout cela crée de la distance avec ses propres souhaits, ses propres fantasmes. Toutes ces personnes sont comme ma nouvelle main, ce décorum les étrange. Mais il existe une possibilité de remettre tout ça à sa place, de déshabiller chacun, de rendre à chacun sa nudité réelle. On peut échanger et se dire on se verra, mettre du toi et du moi dans cet espace d’elles et eux.
Y’a du nous dans Meetic. Mais il faut d’abord en passer par le je triste. L’aliénation ce n’est pas qu’être étranger, c’est aussi se mettre devant soi et se réapproprier. Mais ça prend du temps. Ça tombe bien, j’en ai. Plein.
1.16.2007
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